Sur le Tempus Fugit, voguons ! La Muse m'y invite, rêvons ! Mon cœur n'a qu'un seul Maître, marchons ! Tyrannie de la Lettre, vivons !
samedi 24 février 2018
jeudi 22 février 2018
Elle est revenue...
Elle est revenue d’entre les
morts. Nous pouvons la voir, l’entendre, la toucher. Notre vie de famille
reprend dans la maison de pierre qu’a bâtie mon père. Maman est là, avec nous,
nous pouvons l’embrasser, la serrer dans nos bras. Elle est là, pâle comme une
statue, malade comme de toute éternité, mais présente, vivante, auprès de nous.
Elle est revenue d’entre les
morts. Et pourtant… petit à petit, je suis la seule à en avoir conscience.
Notre vie de famille part en déliquescence, mon père et mon frère ne perçoivent
plus sa présence. Mais moi je peux la voir, je peux l’entendre, je peux la
toucher. Je sais qu’elle est revenue.
Pour le prouver à tous, pour lui
permettre de rester, car elle partira de nouveau pas si on ne croit pas à son
retour, il me faut des anneaux, des anneaux de pouvoir, brillants comme des
soleils, grands comme des bracelets. Je dois partir à leur recherche, les
trouver et les rapporter le plus vite possible.
Mais mon ventre m’embarrasse, un
ventre de femme enceinte qui entrave mes mouvements, me rend lourde et lente
dans ma quête. Je tente de me délasser pour mieux reprendre mes recherches par
la suite. Je nage, dans notre maison de pierre. Il y a de l’eau à même le sol
mais suffisamment profonde pour barboter. Les meubles flottent, statiques, dans
le salon, et je nage au-dessus du carrelage noir. Mais je rencontre bientôt des
obstacles : bout de bois provenant de la cheminée, amas de poussière s’agglutinant,
tout ce que la maison renferme de sale et de misérable vient troubler mon
ballet aquatique.
Je me fais une réflexion…
- - Je devrais appeler L**** [nom d’une amie chère]
pour qu’on aille à la rivière…
Mais je réalise :
- - Mais non, nous ne sommes pas en juillet, nous ne
pourrons pas nous baigner. Nous sommes en février.
Car dans ce monde maudit le temps
s’est arrêté en février. Le soleil luit fort mais il fait froid, la nature s’est
éveillée mais elle semble morte. Le temps ne s’écoule plus réellement. Nous
sommes prisonniers de ce mois fatal.
Ou bien n’est-ce que moi ?
Le monde tourne toujours, les astres n’ont pas arrêté leur course. Les gens
poursuivent leur petite vie pendant que je demeure, seule, dans une case du
calendrier.
On m’amène voir un psychologue.
Je lui explique :
- - Elle est revenue d’entre les morts, je peux la
voir, je peux l’entendre, je peux la toucher. Je ne suis pas folle.
Il me regarde d’un air contrit.
On dirait qu’il a envie de me croire mais je lis le doute sur son visage.
Je continue :
- - Elle est revenue d’entre les morts, mais je suis
la seule à le savoir. Pourtant, elle est bien là. Je peux la voir, l’entendre,
la toucher. Elle est vraiment là.
Je fonds en larmes, la séance ne
mène nulle part. Le psychologue, qu’il adhère ou pas à mes propos, ne peut rien
pour moi. Je me souviens alors des anneaux de pouvoir et repart à leur
recherche.
Je les trouve, le songe ne me dit
pas comment, mais je les ai en ma possession et je rejoins ma mère. Elle se
trouve dans une gare désaffectée. Une gare au style ancien, des locomotives à
charbon gisent çà et là. Un plafond voûté, formé d’une multitude de carreaux de verre, filtre la lumière du jour.
Mon petit chien est sur les genoux
de maman, assise par terre. Elle le caresse en lui parlant doucement.
Je me plante devant elle, raide
comme un piquet.
- - Tu es revenue d’entre les morts, je le sais. Je
peux te voir, je peux t’entendre, je peux te toucher. Tu es vraiment là.
Maman arbore alors une moue aussi
dubitative que désolée et se couche sur le dos, les mains croisées derrière sa
tête, les yeux fixés sur le dôme luminescent.
Je lui tends alors les anneaux.
Elle les refuse d’une voix triste
mais ferme :
- -
Garde-les, tu vas en avoir besoin pour le bébé.
Je me laisse choir sur le sol
froid, à genoux, et la contemple, perdue, hébétée, plus sombre et abattue que
jamais. Le reste fut silence.
Deux ans aujourd’hui, tu hantes
toujours mes rêves.
lundi 19 février 2018
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